samedi, août 16, 2008

poussière (13)

,
,


illustration d.m.
,

,
Dans le sein structuré, organisé, de la matière vivante, la dimension de conscience sourd en lave épaisse, compacte, bitumeuse. Ça rougeoie dans les ténèbres du froid universel, des bulles à l'épiderme pachydermique crèvent par endroit, laissant échapper de lourdes fumeroles orangées qui s'étendent par nappes au dessus de lacs d'eau salée et les ensemencent d'espoir germinatif. Comme animée d'un pouls serein, infatigable, comme dotée d'un coeur suscitant de calmes marées d'énergie au long cours, la Nature étend son empire bleu et vert, suçant à pleines racines, à pleines ventrées, les richesses minérales de la matière. Dans les ressorts secrets de ses cellules, la matière vivante désincarcère la dimension de conscience de l'agrégat des autres dimensions et la fait surgir au monde en un prodigieux appétit d'être, de sentir, de s'étendre, de se prolonger, de se tester, de conquérir, de s'amalgamer, de fusionner, de rebondir, de se libérer, de durer, de s'adapter, de vaincre, de dépasser, de se dépasser. Toute l'histoire de l'évolution des espèces procède de cette énergie libérée du coeur de la matière qui, à force de patience et d'opiniâtreté a réussi à extirper le vol majestueux du goéland à la glaise originelle!
,

Lave bouillonnante, fumeroles d'espoir de semences, l'énergie de la conscience reste encore intimement arc-boutée à la charpente matérielle du monde.
,

Dans l'espèce humaine, même si la « conscience d'être » s'est fourvoyée dans le labyrinthe nombriliste de la « conscience de soi », la dimension de conscience, plus finement raffinée, passe du rougeoiement de lave visqueuse au crépitement capiteux de poudre sèche, à la projection d'étincelles vives, à l'embrasement brûlant d'arcs électriques, au tissage de fils de pures lumières, à l'affleurement léger de vagues irisées.
,

Chez l'humain, la dimension de conscience, endormie de toute éternité dans les cristaux et les sels des cellules, s'éveille, se distille, éclot, se déploie, irradie en ondes vibrillonnantes.
Les émotions, l'amour, la musique, la poésie, l'art, le sens de la justice, de la dignité, brûlent de ces feux-là.
,

Tout comme la matière de l'être mort ne se consume pas instantanément en cendres, tout comme les cellules du corps défunt s'abandonnent aux lois du temps et de la dé-structuration, de la désagrégation, de l'éparpillement anarchique et désolidarisé de tous ses atomes au gré des pluies ou des appétits charognards, l'état de conscience n'est pas happé par le néant instantané.
,

Seule la « conscience de soi » s'évanouit à la mort de l'être. La dimension de conscience universelle, elle, au gré des dilutions des cellules, des dessèchements des tissus, des désolidarisations des corpuscules, se recroqueville peu à peu, régresse de son état rayonnant à sa viscosité de lave tiédissante; les crépitements enthousiastes et pimpants de feu d'artifices font place à des craquements de branchages morts sous le poids du givre, la poudre du grand silence noir enveloppe chaque grain du corps mort d'une nuit d'encre. La dimension de conscience de chaque atome se réfugie, incognito, sagement, modestement, dans son ré-endormissement, à l'abri discret des autres dimensions de l'univers.
,

Enrichie, peut-être, d'une espèce de lueur mémorielle. Peut-être. Qui sait...
,

Tout ce qui a flamboyé de vie redevient poussière, poussière endormie, poussière anonyme, poussière morte, mais poussière cocon de la dimension chrysalide de la conscience universelle.
,

En attente .
,

En attente, en espoir, au hasard des courants d'eau, au hasard des courants d'air, d'être réinvitée au grand bal du vivant.
,

,


D.M.
Texte déposé à SACD/SCALA.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il est superbe, ce texte ,Hombre et de te savoir l' écrire malgré tes blessures me touche, comme s'il était une plage de trêve qui t' est enfin accordée ... Non non, ne te mets pas tout de suite sur le qui vive ...Ce texte te va bien ;-))
Fraternellement à toi
Mich Kaïkan ...

Anonyme a dit…

Salut, ma Soeur, Kaïkan,
Merci à toi pour tes mots, ce texte me va bien parce qu'il dit exactement ce que je pense, mais, mais! il ne dit que ce qu'il dit!
On ne peut greffer sur ma vision de "dimension de Conscience universelle" aucune idée de divinité quelconque! Ni de résurrection, ni de paradis, ni aucun avatar des fantasmes religieux ou mystiques.
L'univers est doté d'une dimension consciente. Point barre.
Et c'est fantastique en soi!
A nous de faire avec !!!
Je t'embrasse fraternellement aussi.