mardi, juillet 15, 2008

poussière (6)


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L'homme était arrivé voilà quelques années, cinq, six? Personne n'aurait su dire exactement. Sac à dos, un soir d'orage méchant. L'avait bu un bol de lait chaud. Lentement, que ça pénètre bien partout, jusque là où ça reste toujours froid, comme du marbre. Dans l'bistro, on y avait juste jeté un coup d'oeil de biais, comme à un chien dans une église, pas de méchanceté, d'ailleurs, juste pour jauger la bête, on sait jamais avec les étrangers... Mais non, celui-là, c'était un simple miséreux, comme il en traine tout le temps dans les campagnes, un errant sans importance.
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Il avait payé son lait et d'une voix douce, fatiguée, timide, il avait demandé « - y'aurait pas un abri, par là , pour la nuit? 'Vec l'orage... ».
La patronne lui avait répondu: Là-bas, à un bon kilomètre, après la croix de pierre, en descendant le bois, pas loin de la rivière... une vieille cabane, sans fenêtre, sans rien, mais le toit en peut-être encore bon état, ça faisait si longtemps qu'elle était pas passée par là... Pis, si il avait pas peur des chauve-souris... Pour une nuit...
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On l'avait revu qu'un bon mois plus tard, pour la Foire. L'avait acheté quatre jeunes poules rouges et un gros pain de seigle. La patronne du bistrot l'avait reconnu :
« -Tiens, les chauve-souris vous ont pas mangé?
- les vieilles carnes, vous savez... ».
Et il avait repris le chemin du bois.
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Mine de rien le petit de la bistrote était venu tournicoter à bicyclette du côté de la croix de pierre et l'on savait maintenant au village que l'étranger s'était installé dans la ruine. Il avait remis des carreaux à la fenêtre vermoulue et quelques tuiles neuves juraient au milieu d'une toiture grise de vieillesse et de lichens.
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Ça avait alimenté les conversations trois ou quatre soirs de suite autour des pastis et du petit marc de pays, on avait entendu des imprécations et de sévères menaces, on avait chanté « Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine... » à une table de vieux dl'a vieille et puis le feu s'était éteint d'autant plus vite que ce cabanon n'appartenait à personne du village.
L'homme, au Cadastre, s'était vu répondre que ce coin de bois appartenait à un vieux Marseillais aujourd'hui décédé et qui avait laissé à ses descendants un testament tellement pourri et vicieux que des années après sa mort, on n'avait jamais réussi à dénouer l'écheveau de ses biens ni à les partager en bonne entente. Les enfants, les petits-enfants s'étaient déchiré comme des chacals et personne ne voulant céder quoique ce soit, le petit coin de bois et son cabanon pourrissaient au gré des caprices de la nature et de la rivière indocile à qui il arrivait de prendre ses aises.
D.M.
Texte déposé à SACD/SCALA.
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1 commentaire:

Anonyme a dit…

C' est qu'les vieux marseillais, ça sait que ça se mérite ce genre de cabane ... C' est pour les chauve - souris, pour les libellules, les hommes de nulle part et les goûters impromptus ;-))