lundi, septembre 11, 2006

Le prix du Paradis...

image d.m.




Un cargo. Les cales bourrées de fûts de déchets industriels. Ca vient tout droit des pays dits, justement, industriels . Un cargo comme d’habitude, battant pavillon de la planète Xylon, commandé par un capitaine Vénusien, appartenant à un consortium Pétrodollardo- Fondepensionniste, bref, une poubelle qui doit rapporter du fric mais surtout pas en coûter en débilités sociales ou écologiques. Soyons sérieux, on est pas une entreprise philanthropique.
Mais vous savez ce que c’est, la merde, on veut bien la produire, c’est même indispensable à l’évolution du Monde dans la voie sacrée du Progrès, on va quand-même pas revenir à l’ère de la bougie, (ça, c’est l’argument qu’on balance à quiconque ose proposer un début de commencement de réflexion sur une possible éventuelle gestion intelligente des ressources de la planète) mais pour ce qui est de s’en débarrasser, plus c’est chez les autres, mieux c’est et le plus loin possible, ça nous obligerait . Mais des qui veulent bien accepter comme ça la merde des autres, ça court pas les rues, les gens sont si égoïstes, si c’est pas malheureux, ma pov’ dame !!! Alors faut chercher loin , vraiment loin, jurer que c’est pas plus méchant que de la farine ou de l’eau en poudre, ce qu’on transporte là, que ça pourrait même être dilué à la place du lait dans le biberon des enfants, que tiens, si on a pensé à eux pour s’en défaire c’est vraiment par pure charité, pour leur faire gagner un peu de fric , dans les un dollar les dix tonnes, on est pas des chiens, mais bernique, que dalle, les rastaquouères, y z’en veulent pas, de votre petit déchet ménager, tous des fieffés, tous des sans cœur, et notre cargo, qu’est-ce qu’on en fait de notre cargo ?
Ben eux, y se sont pas grattés ! Allez, Hop ! en pleine nuit, avec la complicité de quelques ordures locales ou tarés finis, y vous descendent tous les fûts à terre, un camion par-ci, un camion par-là, et que j’vais te vidanger le poison du diable sur la plage, dans une rue déserte, une cour d’école, un bout d’jardin, une rue en pente. Et ni vu ni connu, mission accomplie, Chef, vos bidons, y z’ont jamais existé. On peut reprendre la mer. Ah, les cons, on les a bien baisés !
Ca oui, on peut le dire. Une ville entière délibérément « pestiluée ». Parce que depuis ce jour, on meurt à Abidjan, on crève empoisonné, on a les veines qui pètent toute seules, les poumons qui se ratatinent, les yeux vitrifiés, cramés.
Tout ça pour notre bien-être à nous. Notre bonheur à nous. Le confort de notre petit Paradis à nous. Pour que tournent rond nos chers moteurs ( « -d’un silencieux, je vous dit que ça, ma chère ! » ), pour nos petites bombinettes anti-mouches anti-rides anti-chaud anti-froid anti-tiède anti-voleurs anti-violeurs anti-dépression anti-tout (on est jamais assez précautionneux) , pour qu’à chaque coin de tête de gondole nous puissions trouver sans stress le produit qui le produit que le produit si machin si tout… Le Produit !
Pour nous !
Et j’entends rien. Pas un murmure, pas un coup de gueule. C’est vrai qu’on a notre 11 Septembre, qu’on est à pleurer nos morts à nous, vous savez, ceux de ces fameuses Tours d’Affaires, ces Affaires qui consistent, entre autres, à affréter des navires poubelles qui…Ces Affaires dont on nous fait croire qu’elles consistent à construire pour Nous le Paradis terrestre au quotidien.
Et je me tourne de tous côtés, voir si ça bouge, c’est pas possible, voir si ça hurle au scandale, du côté des artistes, surtout, par une espèce d’espoir dans la sensibilité à fleur de peau des âmes artistiques.
Et rien ! Et rien ! A deux ou trois exceptions près, on ne me donne à partager que du beau, que du propre, que du pimpant. Peut-être par instinct de survie ? Parce qu’on ne peut pas vivre constamment dans la douleur ? Qu’il faut bien créer du beau pour contrebalancer la triste vérité de l’état du monde ? Je sais pas, j’ai pas de réponses mais tout cela me rend vraiment triste.

Texte déposé dans le jeu du « Grand Tourniquet… »

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah, Hombre, bien sûr et sans nul doute dénoncer ces tricheries, ces coups en douce, détourner la lorgnette pour voir ce qui se passe aussi ailleurs ... mais sommes nous, nous mêmes, à notre "propre" niveau si respectueux de notre environement ? En discours , peut-être mais en conscience quotidienne, dans les petits gestes de tous les jours ( et là, je rougis car je suis sans doute loin de ce que j' aimerais être, je gaspille le papier, je fume, je prends assez facilement la voiture... et les produits d' entretien, et la nourriture en grandes surfaces, ces fameuses marques dénoncées ( mais j' adore le coca!)... Et me voilà bien mal à l' aise... mais j' assume, oui, je sais que ces marques... , oui, je sais que... Mais ... Eh là, Kaïkan, réveille-toi un peu... Et voilà que j' allume une cigarette... avec dépendance, plaisir et culpabilité ( par rapport à ma propre santé d' abord, celle de mon entourage, la terre, les multinationales que j' engraisse, les terres exploitées, les hommes exploités, les crasses déversées,les poubelles remplies ( pas toujours triées d' ailleurs!)... Pourtant, Kaïkan, tu avais arrêter de fumer... Pourquoi as-tu recommencé? Donne-moi une seule bonne raison...ben!, j' avais envie...
Oui, Hombre, tu as raison de dénoncer, de me secouer, j' ai la conscience qui se réveille à elle-même, il y a quelques années pourtant, j' étais plus vigilante... OK, je me resserre, d' abord reposer au quotidien les gestes en accord avec ce que je pense... Cela fait aussi partie des germes à planter pour l' humanité future... OUF........ Quelle tâche!!!
Pas de risque de s' endormir avec toi, Hombre!

Anonyme a dit…

Tu sais, Kaïkan, je veux pas donner pas de leçons, qui serais-je pour le faire, vivant moi-aussi avec un minimum de techniques modernes polluantes même si je fais attention à ne pas gaspiller, je réfléchis juste à haute voix parce que je pense que réfléchir à plusieurs, c'est nettement plus efficace que tout seul dans son coin et surtout, moins déprimant. Et aussi parce que DIRE est un droit fondamental de l'Humain et que ne pas en user, c'est s'exposer à le voir disparaitre.
Et comme c'est notre seul "outil" de défense...
Merci pour tes interventions sur l'Hombre et pour tout ce que tu es.

Anonyme a dit…

j'ai bien fait de faire un coucou par ici! de chez Kaïkan...forcément!
Je découvre chez toi Hombre un aspect de mes préoccupations quotidiennes qui transpirent à peine sur mon propre blog. Oui, tout y paraît beau, lisse et artistique! Alors que dans ma tête c'est pas que ça, bien au contraire (d'où le pourquoi de mon pseudo lagune-dune: on pourrait dire lagune quand je déprime pour tout ce qui te met les nerfs, dune quand je parviens à travers les petits soleils du quotidien, à faire reculer l'ombre...)
Je ne fume pas, je ne bois pas, j'achète bio, je recycle un max, je donne à Emmaüs, et je ne supporte pas de remplir mes poubelles, mais comme tout le monde, je bouffe des kwatts d'électricité et je prends une douche tous les jours et ma voiture au lieu du vélo... par contre, j'apprends des tas de choses qui me permettent de prendre de la distance vis à vis du business, de la politique, de changer mon mode de vie, petit à petit, en considérant qu'à mon échelle j'aurai quand-même un impact utile... déjà sur ma descendance pour laquelle je lutte à contre-courant... je découvre à travers mes lectures et des articles sur le net, un tas de trucs étonnants qui ont changés progressivment ma vision formatée du monde et combien nous vivons dans une véritable "matrice".
La part artistique, c'est pour oublier ... ou pour exprimer simplement les émotions ressenties en inter-relation avec tout ça.

Anonyme a dit…

Merci, Camille, de ta gentille visite sur l' "Hombre de nada". Et d'y déposer toi aussi un chaud rayon de ton Soleil.
Je sais bien que chacun est touché par ce qui se passe dans le monde, les artistes encore plus peut-être par une espèce de blessure qui ne demande souvent qu'à se rouvrir, et je suis persuadé que "créer du beau" est pour eux un moyen, le moyen, de montrer ce que pourrait être le Monde si...
Moi, je suis un écorché, évidemment, ça teinte un peu mes créations de couleurs douloureuses , mais par contraste, mes enthousiasmes clinquent de mille feux. C'est rare mais ça arrive!
En tout cas, je suis vraiment heureux, depuis quelques semaines, de voir mes nuits blogueuses illuminées des halos fluorescents des mille "Lucioles" tourbillonnant dans la "Kaïkanisphère".
Bien à toi, Lagune-Dune.

Anonyme a dit…

Hombre, je te passe le lien d' un post que j' avais mis sur De ci De Là en juin, c' est un ami en partance d' une année en Amérique du Sud qui me l' avait passé : http://amiraute.dyndns.org/cont/index.php?2006/06/24/33-a-mediter Bonne lecture à toi...
Heureuse de te voir ici, Camille ;-)

Anonyme a dit…

Kaïkan, j'avais en effet lu ce texte dans ton blog il y a quelques jours, (au moment de la panne du Kaïkan et suivant ton invitation sur De ci De là)et c'est vrai qu'il est frappé au coin du bon sens. Maintenant reste à savoir dans quelle mesure un gouvernement de pays pauvre économiquement mais riche d'un potentiel naturel inestimable peut résister seul aux pressions des consortiums de tout poil. Lire à ce sujet le livre-enquète de Colette Brackmann (ortographe?)du Soir de Bruxelles au sujet du pillage des forêts et des sous-sols du Zaïre et du Congo Brazzaville profitant des guerres "tribales" qui ravagent ces pays. Guerres peut-être initiées tout exprès pour "couvrir" les opérations...